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2021-05-10
La pêche industrielle, une menace pour les écosystèmes marins

La pêche industrielle, une menace pour les écosystèmes marins

En mars dernier, la sortie du documentaire Seaspiracy a créé beaucoup de remous dans les médias et dans l’espace public. Dans ce documentaire, le Britannique Ali Tabrizi nous confronte aux enjeux propres à la pêche industrielle, à la pollution des mers et océans, à la mise en péril des écosystèmes marins et aux répercussions potentielles de la surpêche sur l’humanité. Bien que le film soit loin d’être parfait, et que le discours de Tabrizi soit celui d’un militant qui s’inscrit en étroite convergence avec l’organisation Sea Shepherd, il n’en demeure pas moins qu’il constitue une excellente piste de réflexion pour chaque citoyen qui se soucie de l’environnement et de la sauvegarde de la biodiversité en milieu marin.

Par son ardent désir de réduire la pollution dans les mers et les océans, Tabrizi nous expose de douloureuses facettes de la pêche commerciale. Son travail n’est pas celui d’un journaliste, mais d’un militant pour la planète avec toutes les émotions que cela implique. Seaspiracy nous met en garde en ce qui concerne les certifications de pêche durable — celles-ci n’étant pas exactement à l’image de ce qu’elles laissent entendre —, mais il nous intime aussi de réfléchir aux « prises accessoires » qui représentent un problème colossal dans les pêcheries (approximativement 10 millions de tonnes par année), tout comme les fermes piscicoles.

Ne serait-ce que pour nous familiariser avec les risques et dangers de la pêche, le visionnement de ce film s’avère judicieux. La biologiste Sylvia Earle, une pionnière de l’exploration sous-marine et militante pour la mise en place d’aires marines protégées, explique qu’« au cours des décennies, nous avons réussi à extraire des océans une immense part de la faune. Au rythme actuel, d’ici 2050, il n’y aura plus de pêches commerciales, parce qu’il n’y aura plus de poissons à pêcher. » D’ailleurs, les données les plus récentes de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) démontrent que les captures mondiales de poissons avoisinent en ce moment même les 100 millions de tonnes par année, alors qu’il était plutôt question de 20 millions de tonnes en 1950. La pression exercée sur les océans est insoutenable ; en effet, seulement 6 % des stocks sont « sous-exploités », alors que 60 % sont exploités au niveau maximal et pour les 34 % restant, la FAO parle littéralement de surexploitation. Ces chiffres ne laissent planer aucun doute quant au fait que les pêcheries commerciales constituent l’une des plus grandes sources de destruction de milieux naturels qui ont mis des millions d’années pour parvenir à cet état d’évolution.

George Monbiot, journaliste et chroniqueur pour le quotidien The Guardian, abonde dans ce sens et nous enjoint à ne pas nous laisser berner par l’image idyllique du petit pêcheur dans sa barque, car la réalité est à mille lieues de cette perspective : « Dans les faits, c’est une machine de mort qui utilise des technologies très efficaces pour éliminer les animaux qui sont à la base de toute la chaîne alimentaire marine : les poissons. » Publiée dans la revue Nature, une étude révélait que la pêche au chalut rejette autant, voire plus de dioxyde de carbone que le secteur aérien. N’oublions pas que cette pratique consiste à traîner d’imposants filets qui « raclent » littéralement les fonds marins dans l’unique but d’optimiser les captures de poissons. De cette façon, les chalutiers peuvent pêcher près de 250 tonnes de poissons par jour. Mais à quel prix ? Celui de l’épuisement des ressources et de la destruction des écosystèmes qui permettent d’assurer notre vie sur Terre.

La même étude nous apprend également que « les sédiments marins constituent le premier réservoir de carbone à long terme de la planète. La perturbation de ces réserves en carbone […] est susceptible d’augmenter l’acidification des océans, de réduire la capacité d’absorption du CO2 par l’océan et de contribuer à son accumulation dans l’atmosphère. » Dans un tel contexte, il est impératif de mettre en place des aires marines protégées et de légiférer avec aplomb et fermeté les pêcheries industrielles. Pour préserver la biodiversité dans nos mers et océans, il suffirait de protéger 28 % de sa surface mondiale ; malheureusement, cette surface est de 2,7 % aujourd’hui.

La pêche industrielle a un impact catastrophique sur les écosystèmes marins, et c’est sans parler des pêches illégales et de la mort annoncée de nombreuses espèces comme les bélugas ou les requins. Le secteur commercial des pêcheries mérite qu’on s’y attarde, et le citoyen se doit aussi de se montrer averti quant aux poissons et aux crustacés qu’il met dans son assiette jour après jour. Quel en est le prix réel ? Et pourquoi pas s’interroger également sur l’esclavage en mer et la sauvagerie des pêcheries commerciales dans les océans ?

Stéphanie St-Pierre

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