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2021-02-22
Pour une relance verte et un éveil des consciences chez nos voisins du sud?

Pour une relance verte et un éveil des consciences chez nos voisins du sud?

Pour une relance verte et un éveil des consciences chez nos voisins du sud ?
C’est le 20 janvier dernier qu’avait lieu l’investiture du 46e président des États-Unis. Après quatre longues années sous le règne d’un gouvernement américain climatonégationniste, l’entrée en poste de Joe Biden devrait favoriser un virage à 180 degrés concernant les changements climatiques, puis la mise en œuvre d’un programme environnemental ambitieux. Rien n’est joué, mais l’espoir est là, et on peut s’attendre à ce que les dés ne soient pas pipés ! Qu’on le veuille ou non, les États-Unis sont à la fois nos voisins du sud, une puissance hégémonique et le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre de sorte que leurs politiques/décisions économiques et environnementales ont nécessairement des répercussions sur notre environnement et sur notre économie.
Dans les dernières années, Donald Trump a mis à sac les politiques environnementales des États-Unis, allant même jusqu’à polluer les médias sociaux de ses commentaires obtus — voire abjects — et inexacts. En effet, ce dernier avait décidé de quitter l’Accord de Paris en novembre dernier en affirmant que cette entente, pourtant signée par 197 pays, était nuisible pour l’économie des États-Unis. En quatre ans, il aura fait bien des ravages. Selon le bilan réalisé par le Département de droit de l’Université Columbia (New York), le gouvernement républicain de Trump aurait imposé pas moins de 163 reculs réglementaires et législatifs en ce qui concerne la protection de l’environnement. De tels reculs sont effroyables considérant que, selon les données officielles disponibles, en 2018, les États-Unis ont émis 5,4 milliards de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre, soit environ 15 % du total mondial.

À la lumière de telles circonstances, l’élection de Joe Biden à la tête du pays voisin apparaît comme un souffle inespéré. Bien que ce ne soit pas le candidat démocrate qui ait gagné les faveurs du plus grand nombre de citoyens d’ici, il demeure nécessairement la meilleure option dans un face-à-face contre Trump. En campagne électorale, Biden n’avait d’ailleurs pas hésité à affirmer que la crise climatique constitue une « menace existentielle pour l’humanité ». À peine quelques minutes après son assermentation, le président a confirmé le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris, insistant sur le fait que la crise climatique sera la seconde priorité immédiate du gouvernement, tout juste derrière le combat à mener contre la COVID-19. Le nouveau président évoque d’ailleurs des investissements de 2000 milliards de dollars pour la relance verte dans les quatre prochaines années, comptant ainsi répondre aux exigences de « la science » qui préconise la carboneutralité à l’échelle mondiale pour 2050.

Lors de son investiture, Joe Biden a promis de « faire face à la crise climatique, de construire une économie basée sur l’énergie propre, de s’attaquer à l’injustice environnementale et de créer des millions d’emplois bien rémunérés. » Le président démocrate a dès lors affiché ses couleurs, envoyant ainsi un « signal positif » à la communauté internationale. Le gouvernement de Biden a déjà publié 104 mesures d’ordre environnemental qui devront être révisées et soumises aux différentes agences du pays. Il doit notamment revoir et corriger les mesures dommageables pour la santé publique et l’environnement, protéger les milieux naturels et les espèces menacées d’extinction. Atteindre la carboneutralité pour 2050 est tout un pari, surtout pour les États-Unis qui représentent un véritable poids lourd de l’exploitation des combustibles fossiles et des centrales au charbon. Reste à voir si le président parviendra à rallier les élus républicains à la cause environnementale et à son plan de relance pour verdir l’économie.

Comme tenu du poids politique et économique que représentent les États-Unis à l’échelle mondiale, on ne peut négliger le rôle qu’incarne le président américain pour le reste du monde. S’il parvient à amorcer de profonds changements et transformations dans l’ensemble de la société américaine, il n’est pas exclu qu’il puisse stimuler le développement des énergies renouvelables au Canada, et même ailleurs.

Tout récemment, à la suite de l’annulation du permis présidentiel pour la construction du pipeline Keystone XL de la multinationale TC Energy, le premier ministre du Canada et les élus conservateurs se sont dits déçus par une telle décision, mais Keystone XL a tout de même fait l’objet d’une fronde continue depuis 2008 aux États-Unis. Non seulement des groupes environnementaux et des personnalités publiques ont pris position contre le projet, mais plusieurs actions en justice ont également été lancées au fil des années ; en décembre dernier, 12 procureurs généraux de 12 États avaient lancé une action d’opposition à la construction de Keystone XL. Rappelons que ce projet de huit milliards de dollars avait pour but de faciliter l’exportation de pétrole des sables bitumineux vers les raffineries du Texas.

La décision du président américain est certes un coup dur pour les Albertains à court terme, mais il est essentiel de se concentrer sur une vision à long terme afin de favoriser une transition vers les énergies renouvelables. De tels projets de pipelines ne peuvent être qu’un obstacle dans l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050 ; au Canada, le secteur gazier et pétrolier est le premier émetteur au pays avec ces 193 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2018. Pis encore, entre 1990 et 2018, les émissions issues du secteur des sables bitumineux ont également connu un accroissement de 456 % selon les données fédérales.

Dans les années qui viennent, les dirigeants canadiens risquent de devoir réviser leurs positions environnementales, car lorsque Trump était au pouvoir, il était aisé pour nos élus de se prétendre « grands défenseurs » de l’environnement, mais advenant un positionnement ambitieux et clair de l’administration Biden à cet égard, les mesures prises par nos élus pourraient bien paraître bien pâles en comparaison. À l’avenir, Justin Trudeau devrait certainement y réfléchir à deux fois avant de faire ouvertement la promotion de pipelines !

2020 aura été la plus chaude jamais enregistrée ; l’année qui vient de passer a aussi été marquée par de nombreux phénomènes climatiques extrêmes comme les feux de forêt en Australie, les incendies en Californie et une saison des ouragans particulièrement rude. Au rythme où vont les choses, on se rapproche plutôt du pire scénario évoqué par le Climate Action Tracker, soit celui d’un réchauffement climatique avoisinant les 3 à 4 degrés pour 2100. Fin 2020, Petteri Taolas, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale indiquait que « le dioxyde de carbone demeure pendant des siècles dans l’atmosphère, et encore plus longtemps dans les océans. La dernière fois que la Terre a connu une teneur en CO2 comparable, c’était il y a trois à cinq millions d’années : la température était alors de 2 à 3 degrés plus élevée qu’aujourd’hui et le niveau de la mer était supérieur de 10 à 20 mètres au niveau actuel, mais nous n’étions pas 7,7 milliards. »

Combien de preuves, de statistiques et de faits scientifiques nous faudra-t-il encore pour refuser l’inacceptable ? Pour nous libérer de notre dépendance aux énergies fossiles ? Pour se sortir de notre torpeur et de notre inaction ? Pour s’orienter vers la décroissance ? Nous devons garder espoir pour ne pas sombrer dans le cynisme, mais ce n’est pas toujours chose facile lorsque nous sommes irrémédiablement confrontés aux décisions discutables de nos dirigeants. Peut-être qu’un changement de gouvernement chez nos voisins du sud pourra réanimer le désir de protéger la nature et les écosystèmes qui nous offrent tant jour après jour…

Stéphanie St-Pierre

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