Marché local
2020-11-11
Quand le plastique s'invite dans les profondeurs marines

Quand le plastique s'invite dans les profondeurs marines

Depuis le mois de mars, le quotidien des citoyens québécois a changé de multiples façons, la COVID-19 n’y étant pas pour rien. De nombreux enjeux sociaux et environnementaux ont été délaissés, du moins, temporairement. Loin de moi l’idée de banaliser la pandémie, car il s’agit effectivement d’un contexte inédit pour chacun d’entre nous, un contexte qui nous oblige à nous adapter, toutefois, il est manifeste que les habitudes écologiques et écoresponsables ont été reléguées à un rang de moindre importance pour éviter les risques de contamination. Le plastique et le suremballage ont refait surface, plus présents que jamais en cette période trouble. Le plastique à usage unique que nous cherchions tant à annihiler est maintenant de retour dans les étalages des supermarchés et des petits commerçants. Les conséquences liées à sa consommation pour les écosystèmes marins ne datent pourtant pas d’hier puisque déjà en janvier 2017, Alexandre Shields publiait un article dans Le Devoir dans lequel il expliquait que si la tendance se poursuit en ce qui concerne l’utilisation du plastique, il pourrait bien y avoir plus de plastique que de poissons dans les océans en 2050. La pollution par le plastique est l’une des menaces les plus sérieuses à laquelle font face les écosystèmes océaniques, mais malheureusement, ses conséquences ne sont pas bien comprises par les citoyens. Il en résulte que ce problème se voit constamment balayé sous le tapis.

Depuis l’annonce de la pandémie, du confinement, du déconfinement, du port du masque obligatoire, il s’en est passé des choses à travers le monde. La vie ne s’est pas complètement arrêtée, c’est pourquoi j’ai décidé de déterrer une étude datant du mois de mai dernier qui est malheureusement passée inaperçue à sa publication et qui mérite pourtant qu’on s’y attarde. Le magazine Science a publié les résultats obtenus par des chercheurs européens qui ont analysé les impacts des courants marins sur la circulation de particules de plastique qui finissent par se retrouver dans les sédiments des milieux marins. Ces mêmes chercheurs ont ainsi découvert que les courants des profondeurs des mers et des océans concentrent bien souvent le microplastique à certains endroits ; cette accumulation a pour effet de créer l’équivalent de « continents de plastique », mais ceux-ci se retrouvent désormais dans les fonds marins. L’étude démontre que, chaque année, c’est plus de 10 millions de tonnes de plastique qui sont déversées dans les mers et les océans de la planète. Dès que les particules de plastique se retrouvent en haute mer, elles peuvent persister pendant des milliers d’années.

Chacun de nous se rappellera certainement lorsqu’au début des années 2000, l’océanographe Charles Moore a découvert le « continent de plastique » du Pacifique, situé entre Hawaï et la Californie. À l’heure actuelle, on dénombre huit de ces continents de déchets qui concentrent des millions de tonnes de plastique transportées par les courants marins. Selon les scientifiques, cette pollution qui s’accumule à la surface de l’eau constituerait seulement 1 % de toute la pollution marine. Il reste donc 99 % de particules et de détritus de plastique qui se retrouvent dans les profondeurs marines et qui, de ce fait, peuvent être ingérés par des poissons et autres organismes marins qui confondent ces particules avec leur nourriture. Ce problème n’est pas récent. En 2017, une étude publiée dans la revue Nature Communications expliquait que « les fleuves du monde transporteraient chaque année plus de deux millions de tonnes de plastique vers les océans. » L’étude publiée dans le magazine Science réaffirme le besoin de politiques si nous voulons limiter la concentration de plastique dans les milieux naturels, et minimiser les impacts sur les écosystèmes marins.

Le Québec, quant à lui, n’est pas épargné par cette contamination issue des matières plastiques. Des chercheurs de l’Université McGill ont d’ailleurs mené une étude sur le tronçon du fleuve Saint-Laurent situé entre Québec et Montréal, et ils arrivent à la conclusion que le Saint-Laurent serait parmi les pires cours d’eau de la planète en ce qui a trait à la pollution par les microplastiques. Les chercheurs font mention de concentrations pouvant atteindre plusieurs centaines de particules pour un kilogramme de sédiments. Avant la pandémie, les appels à la réduction de l’utilisation du plastique étaient fréquents, mais la production mondiale de plastique demeure en constante augmentation. Dans le contexte actuel, la peur de la contamination a réintroduit les emballages de plastique à usage unique, certains commerces allant jusqu’à interdire les emballages et les contenants réutilisables. La demande pour le plastique a récemment augmenté, ce qui ne manquera pas d’avoir des répercussions terribles sur les écosystèmes marins.

La sécurité sanitaire est importante, voire essentielle, mais nous avons également comme devoir, en tant que citoyens, d’être conscients des conséquences de nos actions. La réduction de la production de plastique est la seule solution viable si nous souhaitons restreindre et contrôler la pollution en haute mer. Il est grand temps de prendre conscience que le problème de la gestion des déchets dans la mer a des répercussions aussi importantes que la pollution sur la terre ferme. Il est impératif de mener davantage d’études sur les impacts écologiques de la pollution par les particules de plastique dans les profondeurs marines, mais il est également essentiel que chaque citoyen pèse et soupèse le poids de ses actions quotidiennes. Il y a toujours un moyen d’opter pour des habitudes de consommation durables et responsables qui ne mettent pas en péril les eaux profondes, de même que la flore et la faune qu’elles contiennent.

Stéphanie St-Pierre

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